ÉQUILIBRATION

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Afin d’assurer l’efficacité de l’exécution des mouvements mis en jeu au cours de la locomotion, de l’orientation et de la préhension, les animaux font usage d’un ensemble de mécanismes sensorimoteurs qui permettent le maintien de l’équilibre du corps en dépit des causes qui tendent à le perturber: les accélérations d’origine interne et externe et la force de gravité , qui agit en permanence sur le monde vivant, qu’il soit aquatique, aérien ou terrestre.

Le maintien de l’équilibre des vertébrés dépend de l’action du système nerveux qui assure le contrôle du tonus musculaire responsable de la cohésion mécanique entre les constituants du squelette osseux. Dans les conditions statiques (sujet immobile), la répartition du tonus musculaire entre les différents groupes de muscles permet le déploiement d’attitudes posturales fondamentales propres à chaque espèce. Dans les conditions dynamiques (sujet en mouvement), le système nerveux fait intervenir un certain nombre de mécanismes de correction et de rattrapage de l’équilibre. Quelles que soient les conditions, statiques ou dynamiques, les centres nerveux responsables de l’équilibration reçoivent des informations issues de la plupart des récepteurs sensoriels, mais, parmi ceux-ci, l’organe vestibulaire et les récepteurs visuels jouent un rôle prépondérant. L’interaction entre les informations issues de ces deux catégories de récepteurs peut créer, chez le sujet sain et dans certaines conditions, des situations conflictuelles préjudiciables au maintien de l’équilibre. Par ailleurs, de nombreux troubles pathologiques de l’équilibre trouvent également leur origine dans ces interactions entre les systèmes visuel et vestibulaire.

1. Posture et équilibre

Équilibre et contrainte gravitaire

Sur terre, tout organisme vivant est soumis aux lois inéluctables de la gravité. De nombreuses évidences expérimentales entraînent la conclusion que le vecteur de gravitation joue le rôle de guide au développement de l’organisme. On reconnaît notamment que la morphologie est clairement marquée par l’adaptation au stimulus de gravitation chez les animaux dont le squelette osseux constitue un moyen de résistance à l’action de la gravité. Cette architecture osseuse est néanmoins caractérisée par un grand nombre de pièces mobiles autorisant, grâce au jeu des articulations, une grande variété de mouvements. Aussi, dans la lutte contre la gravité, une cohésion mécanique est-elle nécessaire entre les segments osseux afin que cette architecture ne s’effondre pas comme le ferait un pantin articulé que l’on dresse sur ses pieds et que l’on relâche. Cette cohésion est assurée par les ligaments et les muscles qui croisent chaque articulation [cf. ARTICULATIONS]. Toutefois, les seules propriétés purement mécaniques conférant aux muscles, privés de leur innervation, leur caractère viscoélastique ne suffisent pas pour maintenir la cohésion entre les différentes pièces osseuses. De fait, le système nerveux central suscite et entretient la décharge tonique des fibres nerveuses commandant les muscles afin d’assurer un état de rigidité musculaire, ou tonus musculaire , qui équilibre les forces mécaniques au niveau des articulations. La répartition du tonus musculaire entre les différents muscles n’est pas égale. Elle privilégie les muscles qui s’opposent à l’action de la pesanteur. Ainsi, on peut constater que, pour maintenir l’attitude posturale représentée sur la figure 1, les muscles extenseurs et fléchisseurs du bras se contractent pour supporter le poids de la main et de l’avant-bras, avec cependant une sollicitation plus importante au niveau des fléchisseurs. Au niveau des muscles de la jambe, l’activité musculaire des extenseurs du pied est par contre très importante en regard de celle des muscles fléchisseurs. De même, cette activité tonique posturale s’observe également au niveau des autres extenseurs tels que ceux de la musculature du cou, du tronc et des masséters.

Par le jeu de l’activité tonique posturale, il serait possible de prévoir en fonction des seules contraintes ostéoarticulaires une très grande variété d’attitudes posturales, telles que celles qu’on rencontre en apesanteur (fig. 1), ou encore, dans certaines conditions, en milieu aquatique. Sur la terre ferme, cependant, il existe une limite qui nous est imposée par la gravité: le maintien de l’équilibre.

Chez l’homme debout et au repos, l’équilibre est maintenu lorsque la verticale passant par le centre de gravité se projette à l’intérieur du polygone de sustentation défini par la surface d’appui des pieds au sol. Étant donné que la base de sustentation est petite et que le centre de gravité est placé très haut (au niveau de la deuxième vertèbre sacrée), un faible déplacement du corps humain nécessite un rattrapage de l’équilibre. Chez un quadrupède debout, l’équilibre est beaucoup plus stable étant donné que le polygone de sustentation, défini par la surface du quadrilatère passant par les points d’appui des pattes, est grand. Il pourrait donc paraître paradoxal que, parmi les mammifères, l’homme debout présente le système antigravitaire le plus économique. En fait, tous les quadrupèdes, excepté l’éléphant, maintiennent, de façon permanente, leurs membres en flexion partielle. Cette flexion nécessite un surcroît d’énergie comparativement à la position d’extension de la majorité des articulations de l’homme debout. Par ailleurs, la disposition des pièces osseuses par rapport à la ligne verticale passant par le centre de gravité (fig. 1) permet chez l’homme, comparativement aux autres mammifères, une diminution importante de l’énergie interne nécessaire à la neutralisation des couples statiques exercés par le vecteur gravitaire au niveau des articulations. Le développement important de la musculature antigravitaire par rapport à la masse du corps, chez l’homme, ne se justifie donc guère par la nécessité du maintien de la posture debout et assise, mais ces muscles interviendront puissamment lors de la transition entre les postures assise, debout et allongée.

Posture et tonus musculaire

L’entretien du tonus musculaire est sous le contrôle d’afférences sensorielles qui émanent de trois catégories de récepteurs : les récepteurs myo-articulaires (ou proprioceptifs), les récepteurs cutanés et les récepteurs labyrinthiques.

Dans la première catégorie existent trois sortes de récepteurs: 1. Les fuseaux neuromusculaires , qui participent de façon prépondérante au maintien de l’activité tonique des motoneurones par l’intermédiaire de la boucle myotatique [cf. TONUS MUSCULAIRE]; l’interruption de cette boucle provoque une exagération du tonus postural ou rigidité de décérébration. Ces capteurs sont sollicités en grande partie par l’étirement des muscles antigravitaires. 2. Les récepteurs tendineux de Golgi , localisés au niveau des insertions tendineuses; ils ont une influence essentiellement inhibitrice sur les motoneurones; 3. Les récepteurs articulaires , situés dans la capsule articulaire et les ligaments articulaires dont la décharge est modulée par la position de l’articulation et par la pression qui s’exerce sur la capsule articulaire. Certaines données expérimentales accréditent le fait qu’ils contribuent, pour une part importante, à la régulation de la tonicité des muscles posturaux, ceux de la colonne vertébrale par exemple. Par ailleurs, les récepteurs articulaires situés au niveau des trois premières vertèbres cervicales associés aux récepteurs proprioceptifs sont à l’origine des réflexes toniques du cou. Ces réflexes d’adaptation tonique , ou réflexes cervicaux, jouent un rôle considérable dans le maintien de diverses postures. C’est ainsi que l’animal dépourvu de récepteurs labyrinthiques (labyrinthectomie bilatérale) présente un accroissement du tonus des extenseurs des membres postérieurs et une diminution du tonus des membres antérieurs lorsque la tête est en flexion ventrale. La flexion dorsale de la tête produit l’effet inverse.

La seconde catégorie correspond aux afférences tactiles d’origine cutanée. Elles participent clairement à la correction et au rattrapage de l’équilibre, mais ne semblent jouer chez l’homme qu’un rôle secondaire dans l’entretien de la tonicité musculaire, ce qui n’est pas le cas chez d’autres espèces, en particulier chez les batraciens.

La dernière catégorie de récepteurs appartient à l’oreille interne et constitue l’appareil vestibulaire sur lequel nous reviendrons plus en détail. Parmi ces récepteurs, les récepteurs maculaires, sensibles à l’accélération linéaire et par conséquent à l’action de la gravité, sont à l’origine des réflexes labyrinthiques statiques . Chez l’animal ayant subi une déafférentation de la région cervicale, permettant ainsi d’étudier isolément les réflexes labyrinthiques, le réflexe de redressement de la tête est conservé quelle que soit la position du corps. Par ailleurs, ces réflexes influencent également l’activité tonique des extenseurs des membres en fonction de la position de la tête dans l’espace. Chez le même animal, l’abaissement de la tête provoque une diminution du tonus des extenseurs.

Dans les conditions normales et compte tenu des faits précédemment décrits, les réflexes d’origine labyrinthique et les réflexes d’origine cervicale peuvent agir en synergie ou au contraire peuvent avoir des effets opposés sur le tonus extenseur et par là même le neutraliser.

Ces réflexes qui entretiennent et répartissent entre les différents groupes de muscles le tonus musculaire sont également mis à contribution dans les réactions de redressement , autrement dit, le passage d’une position anormale imposée ou d’une attitude de repos – décubitus – à la position érigée normale. Le redressement met en jeu une chaîne de réactions réflexes ordonnées qui débute par la rotation de la tête. Cette rotation entraîne une torsion du cou qui déclenche successivement le redressement du train avant et du train arrière. Dans l’élaboration de cet enchaînement d’actions réflexes interviennent les informations myo-articulaires (essentiellement de la nuque) labyrinthiques, visuelles et tactiles. Il est important de signaler que, en ce qui concerne cette dernière modalité sensorielle, la dissymétrie des informations cutanées – animal en décubitus latéral par exemple – jouerait un rôle essentiel dans le déclenchement de cette chaîne de réactions.

Correction et rattrapage de l’équilibre

Nous avons vu que les mécanismes réflexes permettant la répartition du tonus musculaire conditionnent les attitudes posturales tout en assurant la stabilité du corps. D’autres mécanismes conduisent à corriger les déviations de la projection du centre de gravité au sol. Ces déviations peuvent être la conséquence soit d’un changement accidentel de la posture, soit de la mobilisation active d’une partie du corps.

Dans le premier cas, la détection de la déviation est assurée par les trois catégories de récepteurs décrits précédemment, associés ou non aux récepteurs visuels. Selon l’amplitude de la déviation, les récepteurs peuvent par voie réflexe déclencher soit des réactions de correction, soit des réactions de rattrapage en cas de rupture de l’équilibre. Un inventaire complet de ces réactions n’est évidemment pas possible. Cependant, afin d’illustrer certaines de ces réactions, la figure 2 représente l’enchaînement d’une série de réactions de correction et de rattrapage stéréotypées adaptées à l’intensité de la perturbation produite par le déplacement, à l’insu du sujet, d’une plate-forme mobile sur laquelle il tient debout. Selon le niveau d’accélération de la plate-forme, on observe des mouvements de compensation essentiellement au niveau du tronc et de la tête, une projection des bras vers l’avant, une initialisation d’un pas.

Dans le second cas, la mobilisation active d’un membre, telle que l’élévation volontaire du bras (fig. 3), met en jeu des forces de réaction provoquant des déplacements de la tête, du tronc et des jambes responsables de la déstabilisation du corps. Des ajustements posturaux sont mis en place afin d’assurer la coordination entre la posture et le mouvement en minimisant les perturbations de l’équilibre consécutives au déplacement du centre de masse. De nombreux travaux accréditent l’idée que ces réajustements posturaux seraient programmés au niveau des centres nerveux. Schématiquement, les programmes moteurs sous-tendent deux catégories d’ajustements posturaux: ajustements anticipés et ajustements réactionnels. Les ajustements posturaux anticipés correspondent à une «préparation» au mouvement. Ils apparaissent avant que la perturbation posturale produite par le mouvement ne se soit manifestée. Dans l’exemple reproduit par la figure 3, ces ajustements anticipés se manifestent par une désactivation des muscles extenseurs du pied et une bouffée d’activation au niveau des muscles extenseurs de la hanche.

2. Rôle de l’organe vestibulaire et de la vision dans l’équilibration

L’organe vestibulaire

Tous les animaux supérieurs – poissons, reptiles, oiseaux, mammifères – disposent d’une paire d’organes vestibulaires, ou labyrinthe. De cet organe dépendent la fonction d’équilibration telle que nous l’avons précédemment définie et la fonction d’orientation.

Situés dans l’oreille interne, les organes vestibulaires forment un entrelacs de canaux et de sacs remplis de liquide endolymphatique (fig. 4). Les trois canaux semi-circulaires sont situés dans des plans sensiblement orthogonaux. Chaque canal possède un renflement (ampoule) à l’intérieur duquel une membrane, la cupule, oblitère la lumière du canal. Lors d’une rotation de la tête, le mouvemenr relatif du liquide endolymphatique induit un déplacement de la cupule mesuré par les cellules sensorielles de l’endothélium ampullaire. Les dimensions des canaux et la viscosité du liquide sont telles que l’information neurosensorielle primaire ainsi produite est proportionnelle à la vitesse angulaire de la tête dans le plan du canal considéré.

Deux structures, l’utricule et le saccule, contiennent des cristaux de calcite insérés dans une membrane gélatineuse: les otolithes. Ces cristaux, soumis à une accélération linéaire due à la pesanteur ou à un mouvement de la tête, entraînent un déplacement relatif en cisaillement de la membrane, déplacement mesuré par les cellules ciliées de la maculae. Chaque cellule possède une réactivité directionnelle privilégiée, ou vecteur de polarisation. L’ensemble des cellules sensorielles de l’utricule et du saccule permet de connaître l’accélération et la variation d’accélération ou «jerk» selon toutes les directions de l’espace.

L’organe vestibulaire constitue un capteur gravito-inertiel complet qui est sensible d’une part aux mouvements angulaires autour de trois axes, d’autre part aux mouvements linéaires, et enfin à l’inclinaison de la tête relativement à la direction de la gravité. La sensibilité de ce capteur est tout à fait remarquable: le seuil perceptif chez l’homme est de 0,150/s2 en ce qui concerne les accélérations angulaires, et environ 5 cm/s2 pour des accélérations linéaires. Il est d’autre part pratiquement insensible aux conditions extérieures, contrairement aux autres systèmes sensoriels que l’on peut facilement tromper ou perturber (immersion, obscurité...). L’organe vestibulaire nous renseigne en permanence sur les mouvements et l’inclinaison de la tête. Cependant, ce capteur n’est pas parfait. Les informations qu’il fournit peuvent être insuffisantes, voire ambiguës, cela pour deux raisons:

– Il ne donne pas une information absolue sur les changements de vitesse: la sensation de rotation cesse après 15 secondes de rotation à vitesse constante (dans un plan horizontal et dans l’obscurité). De même, un déplacement linéaire à vitesse constante n’est pas détecté par les otolithes.

– Les accélérations linéaires «réelles» sont théoriquement indiscernables de l’accélération gravifique. Elles ont pourtant une signification très différente pour l’organisme. Le message otolithique contient un «mélange» de données concernant la direction de la verticale et de données concernant les mouvements de la tête. Cette confusion est la cause de nombreuses illusions: illusion d’élévation, illusion oculogravique. Les défauts du système vestibulaire sont néanmoins corrigés habituellement, grâce à la complémentarité des autres messages sensoriels.

La fonction proprioceptive de la vision

Il est maintenant admis que le système visuel a une double fonction: fonction extéroceptive de la vision centrale ou fovéale, qui permet l’identification (forme, dimensions) et la localisation précise (distance) d’un objet; fonction proprioceptive de la vision périphérique, qui renseigne sur les mouvements relatifs d’une scène visuelle, jouant ainsi le rôle d’un tachymètre.

Cette fonction proprioceptive intervient de façon prédominante sur le contrôle postural et par là même sur le maintien de l’équilibre. Il est bien connu que l’absence d’informations visuelles favorise nettement l’instabilité posturale. Cette déstabilisation démontre que les différentes afférences sensorielles dont dispose l’organisme ainsi que les activités motrices qui leur sont associées peuvent interagir dans le sens d’une complémentarité. Toutefois, l’homme atteint de cécité présente rarement des troubles de l’équilibre. Un processus actif de suppléance a été en fait mis en place, maintenant ainsi, à partir des autres récepteurs sensoriels (l’information d’origine tactile étant particulièrement favorisée), un champ suffisant d’informations sur le mouvement et l’orientation du corps dans l’espace.

Cependant, cette contribution de la vision au maintien de l’équilibre peut entraîner une situation conflictuelle entre les données visuelles et les autres modalités sensorielles. En effet, on sait qu’une scène visuelle en mouvement peut induire, chez un observateur immobile, la sensation de mouvement de son propre corps, ou vection . Celle-ci peut être circulaire – la scène visuelle est alors en rotation dans le plan frontal – ou linéaire – dans ce cas, la scène visuelle défile dans le plan sagittal. Cette vection peut être à l’origine d’un conflit entre les données des récepteurs visuels périphériques qui créent l’illusion de déplacement et celles qui sont issues des récepteurs vestibulaires, proprioceptifs et tactiles. Ce conflit se traduit alors par des perturbations posturales accompagnées parfois par des réactions psychosomatiques qui se manifestent par des nausées. Cette perte d’équilibre consécutive à la vection est très importante chez les jeunes enfants. Si l’on place un enfant debout au milieu d’un local dont les murs sont articulés et qu’on fait s’incliner brusquement ces murs, l’enfant tombe, alors que le plancher demeure stable.

3. Organisation centrale et troubles de l’équilibre

Les voies et centres nerveux intervenant dans l’équilibration et le contrôle postural sont dans leur détail fort complexes. Les centres nerveux sont essentiellement situés au niveau du cervelet, du tronc cérébral (formation réticulée, noyaux vestibulaires, noyau rouge) et de la moelle épinière. Le cortex cérébral sensorimoteur contribue également au contrôle des activités posturales, notamment pour les réactions de placement. Bien que l’organisation centrale des mécanismes de l’équilibration ne soit pas définitivement élucidée, on peut esquisser, à partir des concepts actuels sur le contrôle sensorimoteur, comment est réalisée l’équilibration (expériences en impesanteur).

Les réactions posturales mises en jeu au cours de l’équilibration seraient, selon l’école sherringtonienne, le résultat d’un enchaînement de réflexes prenant naissance à partir des informations sensorielles et conduisant à maintenir une attitude posturale déterminée en dépit des perturbations qui tendent à déstabiliser la posture. Face à cette perspective déterministe qui conduit à admettre que tout acte moteur est déclenché par un stimulus, une conception différente s’est imposée. Les activités motrices mises en jeu dans la réalisation d’une motricité intégrée – l’équilibration, par exemple – seraient programmées centralement. Dès lors, l’équilibration serait une succession de séquences motrices prédéterminées appartenant au répertoire génétique, s’élaborant au cours de l’ontogenèse, s’affinant et s’adaptant avec l’apprentissage. Ce concept n’exclut nullement la nécessité d’informations périphériques discriminant la nature de la perturbation et permettant de sélectionner les commandes motrices adéquates et/ou de modifier, selon le principe de réafférentation, l’exécution de la commande. Sur la base de ces mécanismes, deux niveaux de contrôle peuvent être distingués: un système «conservatif» et un système «opératif». Le système conservatif est un système de références, stable par définition, organisé sur la base d’un «schéma corporel» à la fois d’origine génétique et acquis par apprentissage. Ce schéma corporel ou «supra-modèle sensorimoteur», traduction d’une abstraction corporelle, tient compte de la configuration du corps, des caractéristiques biomécaniques des segments corporels et d’une verticale interne élaborée à partir des récepteurs labyrinthiques, rétiniens, tactiles et proprioceptifs. Ce système de référence permettrait d’évaluer les conséquences d’une action future et de prédire ainsi les discordances spatio-temporelles éventuelles entre le but à atteindre (le maintien de l’équilibre) et l’événement à venir ainsi que sa réalisation (la déstabilisation posturale). Le second niveau correspond au système opératif, étage d’exécution qui sélectionne les commandes motrices et, si nécessaire, les corrige rapidement à partir des informations issues du monde extérieur.

Il est clair que l’équilibration peut être perturbée par la lésion des récepteurs sensoriels et des centres nerveux qui interviennent dans le contrôle du tonus musculaire, de l’orientation et des réactions posturales. Cela révèle toute la complexité du problème des maladies de l’équilibration et de leur classement. C’est à Grasset (1901) que l’on doit une documentation sur les maladies de l’équilibration qui se caractérise, pour la première fois, par un effort pour passer du cadre nosologique basé sur l’anatomie à une pathologie définie sur des normes physiologiques. Quelques exemples illustreront cette démarche.

Dans l’ataxie tabétique, causée par la syphilis, les lésions portent sur les fibres sensitives essentiellement proprioceptives. La marche est chancelante. Debout, immobile, et la vision occultée, le malade oscille fortement, pouvant aller jusqu’à la chute. Allongé et toujours sans vision, il a de grandes difficultés pour localiser ses membres. Selon l’expression de Grasset: «Il se sert de ses yeux comme béquilles et égare ses membres dans son lit.» Dans l’ataxie labyrinthique consécutive à des lésions du système vestibulaire, la démarche est également titubante. La station debout se révèle instable lorsque la vision est occultée. Dans cette même situation, une inclinaison du corps est observée lorsque la lésion est dissymétrique. Dans ces deux types d’ataxie, la fonction proprioceptive de la vision est préservée.

Dans l’ataxie de Friedreich (la lésion intéresse les cordons postérieurs et les faisceaux cérébelleux) et les ataxies cérébelleuses pures (atteinte du cervelet), le patient se tient difficilement debout. Il présente également une marche titubante et zigzagante comparable à celle d’une personne ivre. Par ailleurs, dans l’ataxie de Friedreich, la lésion des neurones cérébelleux est responsable d’anomalies dans les mouvements oculaires. Dans ces deux types d’ataxie, l’occultation de la vision n’aggrave pas les troubles de l’équilibration. Il en ressort que la fonction proprioceptive de la vision est atteinte.

La comparaison de ces deux catégories d’ataxie permet ainsi une interprétation physiologique d’une pathologie qui s’appuie: sur les interactions sensorielles, et particulièrement sur les interactions visuo-vestibulaires dans le contrôle de l’équilibre et de l’orientation; sur la double fonction de l’œil.

4. Généralisation de la fonction d’équilibre

Dans la plupart des activités, la locomotion en est un excellent exemple, la tête est animée de mouvements de plus ou moins grande amplitude. En raison des exceptionnelles précision et sensibilité des capteurs visuels, la stabilité du monde visuel sur la rétine doit être assurée malgré les mouvements du corps et le défilement de la scène visuelle. Cette fonction de stabilisation équivaut à une généralisation de la fonction d’équilibre.

Chez les vertébrés de petite taille, dont la tête très mobile présente une faible inertie (pigeon, grenouille), cette fonction peut être assurée par des mouvements compensateurs de la tête pendant lesquels la tête reste immobile par rapport à l’environnement. Cette phase est suivie d’un retour rapide à une position normale de la tête sur le tronc.

Chez l’homme, ce nystagmus céphalique est observé lorsque le sujet exécute une rotation rapide sur lui-même, facilement observable chez une personne en train de valser. Cependant, dans les conditions habituelles, cette fonction est assurée par le jeu des réflexes vestibulo-oculaires et optocinétiques. Le système nerveux s’est ainsi affranchi de la contrainte d’immobilité de la tête en effectuant des mouvements compensateurs des globes oculaires. Ces mouvements sont généralement de type nystagmique avec une phase de compensation (mouvement lent: de 0 à 1000/s) et une phase de retour rapide ou saccade dont la vitesse peut atteindre 8000/s.

équilibration [ ekilibrasjɔ̃ ] n. f.
• 1845; de équilibrer
1Didact. Mise en équilibre.
2(1903) Méd. Ensemble des moyens permettant à un organisme vivant de trouver ou de maintenir son équilibre physique.

équilibration nom féminin Fonction qui assure aux animaux et à l'homme la maîtrise de leur équilibre.

équilibration
n. f. Maintien ou mise en équilibre. équilibration du corps humain par le cervelet.

équilibration [ekilibʀɑsjɔ̃] n. f.
ÉTYM. 1845, in D. D. L.; de équilibrer.
Didactique.
1 Mise en équilibre.
2 Méd. Mise en œuvre des différents moyens déployés par l'organisme pour maintenir l'équilibre. || L'astasie est un trouble de l'équilibration.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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